DASAF Conakry 2025 – Le Pouls du Mouvement Féministe en Afrique Subsaharienne

By: Hilmelda Tenkeu

Présentation de l’œuvre participative co-créée dans l’Espace Communauté & Jeunesse durant la conférence

J’ai eu l’honneur de participer au DASAF 2025 à Conakry, un espace qui, cette année encore, a réuni plus de 400 acteur·rice·s du mouvement pour l’autonomie corporelle en Afrique francophone. Sous le thème « Unifier nos voix et s’engager pour des choix reproductifs », cette rencontre a été l’occasion de retrouver l’élan du mouvement, ses tensions, ses imaginaires, ses doutes et ses stratégies.

Pour partager les leçons apprises et strategies de projet FON, nous avions soumis trois abstracts, dont deux ont été retenus. Le premier, sur les pratiques de communication abordables pour les organisations féministes, a été présenté sous forme de poster dans le Community & Youth Corner.
Le second, centré sur les enseignements du modèle de financement flexible de FON, nous a permis de participer à une session parallèle intitulée:

« Financement flexible, durable et adaptable : des ressources sur mesure pour renforcer l’écosystème du mouvement pour l’autonomie corporelle et les DSSR en Afrique francophone ».

Session parallèle avec Engender Health

C’était un moment de redevance, de lucidité et d’espoir.

Ce que j’ai retenu du mouvement, aujourd’hui

 

Si FON touche à sa fin, une conviction se renforce : les espaces régionaux comme DASAF sont essentiels.
C’est ici que le mouvement se pense réellement. C’est ici que se construisent les synergies. Pas dans les grandes conférences internationales — puissantes, oui — mais souvent trop éloignées des réalités que nous tentons de transformer.

Les conversations sur le financement ont été particulièrement marquantes. Plusieurs idées fortes ont émergé :

  • La nécessité pour les bailleurs de prévoir des fonds d’urgence, car les crises ne préviennent pas. FON et J4S sont de bons exemples avec des fonds entre 5000 – 15000 euros.
  • La reconnaissance du rôle d’organisations intermédiaires comme IPPF, capables d’orienter, harmoniser, éviter la duplication.
  • L’importance d’investir dans l’entrepreneuriat social, pour soutenir l’autonomie financière des organisations.
  • La valorisation de l’objection de conscience et de la clarification des valeurs comme leviers pour avancer la justice reproductive en contexte humanitaire.
  • Et puis, ce rappel puissant :

“En tant que mouvement, avons-nous oublié de lutter pour la dépénalisation de l’avortement ?” – Néné Fofana

C’était un miroir. Un rappel de rester concentré·es sur l’objectif essentiel, au-delà des petites victoires.

Delegation IPPF Afrique au DASAF

Sur nos stratégies, nos mots, nos frontières

Nous avons aussi interrogé nos propres pratiques : Censurons-nous nos discours pour être acceptables ? En adoucissant nos mots pour être acceptables, ne nous enfermons-nous pas dans un dialogue entre convaincu·es ?

« Quand on est militante, on ne camoufle pas ses propos. » – Awa, animatrice des lives “Vrai ou Tabou” sur Tiktok

Un autre moment inspirant : Une militante ivoirienne a relevé le défi de publier 100 posts en 24h sur Facebook pour briser les tabous autour de l’avortement. Cette action m’a fait imaginer : Et si nous créions une armée digitale féministe ? Capable d’intervenir de manière coordonnée, massive, stratégique, lors de moments clés. cela pourrait devenir un levier central d’engagement pour nos campagnes de communication.

Le militantisme numérique est une scène politique réelle et nous devons en prendre pleinement conscience. Il permet de créer du rapport de force, de coordonner des actions collectives et de rendre visibles nos revendications au-delà des frontières physiques.

Penser différemment nos ressources

Beaucoup ont insisté sur la nécessité de développer des mécanismes locaux de financement avec des exemples palpables au Benin:

  • crowdfunding féministe,
  • tontines organisationnelles,
  • partenariats avec fondations locales, entreprises, collectivités.

La maternité ne devrait jamais être imposée. Elle doit naître du désir. Mais ce désir libre n’est possible que si les organisations qui en portent la défense survivent, se renforcent et s’ancrent dans le temps.

Prestation de Griot

Terrain

Après la conférence, j’ai rencontré plusieurs partenaires de FON à Conakry. À Arc-en-Ciel Guinée, nous avons discuté communication et pérennité. Avec les Amazones de la Presse Guinéenne, j’ai animé une session sur la stratégie digitale dans leur nouveau local, financé par FON. Nous avons réfléchi ensemble, réajusté, rêvé. Pour ancrer dans le réel ce que la conférence a semé en nous.

C’est dans ces moments-là, loin des micros et des photos, que le mouvement prend corps.

Ce que je ramène avec moi

Une certitude : Le mouvement est vivant. Il trébuche, il se cherche, il réinvente ses outils. Mais il avance. Nous devons :

  • Investir dans les espaces régionaux où se construit l’énergie collective.
  • Communiquer davantage sur nos apprentissages : les données de FON doivent vivre.
  • Soutenir la durabilité des organisations — financière, politique, émotionnelle.
  • Oser des stratégies audacieuses, numériques, créatives, populaires.

Nous ne sommes pas seules. Nous sommes nombreuses. Et nous sommes nécessaires.


 

Résumé du projet Feminist Opportunities Now (FON)

FON contribue à l’éradication de la violence basée sur le genre dans le monde entier à travers des financements flexibles. Le projet Feminist Opportunities Now (FON) a pour but de renforcer les mouvements féministes en offrant des subventions, notamment aux petites organisations non enregistrées. Avec un budget de 7 millions d’euros, FON propose également un mentorat à long terme et des formations adaptées. De plus, le projet inclut un volet recherche-action pour assurer l’élargissement et la durabilité de ses approches.

 

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